Lecture : Psaume 91 & 1 Corinthiens 3, 10-17
Le psaume est un cri, avant d’être un écrit. En effet, on ressent tout au long des psaumes comme un sentiment d’urgence, illustré par le refrain : « Ô Seigneur, viens vite à mon aide, viens à mon secours ». Il y a 150 psaumes dans la Bible et environ un tiers d’entre eux sont des psaumes de supplication. Dans les Psaumes, les cris abondent, les questions troublantes y tiennent une bonne place, et les appels à l’aide fusent.
Mais les Psaumes ne sont pas que des cris de détresse. Parfois, ils sont aussi louanges. En hébreu, le livre des Psaumes s’appelle d’ailleurs Tehillîm – nom pluriel qui est dérivé de la racine hallel « louer ». « Louanges » est donc le titre générique de cette collection de poèmes. L’importance de la louange est confirmée par l’usage exclusif aux Psaumes du cri Hallelu-Yah : « Louez Yah ! » Malgré la présence de nombreuses prières (environ une centaine) dans les autres livres de l’Ancien Testament, on n’y trouve aucun alléliua. Le Psautier en comporte vingt-cinq, tous dans les derniers tiers des Psaumes (Ps 103-150)[1].
Les Psaumes sont aussi des prières, à la fois individuelles et collectives. Ces prières sont mis en musique et en chants et sont incorporées à la liturgie du Temple, d’où la mention faite au « maître de chant », ainsi qu’aux instruments d’accompagnement (instruments à cordes et à vents : flûtes, cor, harpe, cithare, cordes et flûtes, et aussi tambourins et cymbales). La tonalité et la mélodie sont parfois indiquées et le mot selah (« pause ») revient pas moins de 71 fois et suggère un moment de silence avec interruption de la musique ou de la récitation.
Dans le psaume 91, il est question de tout cela. Il débute avec plusieurs bénédictions divines. La première bénédiction est donnée par un prêtre à ceux qui arrivent au Temple de Jérusalem (v. 9)[2]. Après que chaque pèlerin a exprimé sa confiance, une deuxième bénédiction est adressée à ceux qui quittent le Temple (v. 10-16). Ce psaume est consacré à la description des privilèges de ceux qui viennent résider au Temple. C’est donc un psaume sur le Temple et sur le Dieu qui y réside. Tout homme qui vient y prier est un résident caché près du Suprême. Dieu, caché dans le Saint des Saints, n’est pas situé au-delà du Temple, il est à l’intérieur et quiconque pénètre dans le parvis est déjà dans le secret des secrets du Tout-Puissant. Il est « caché à l’ombre du Tout-Puissant » (v. 1).
Ce psaume décrit une protection concrète que Dieu accorde. C’est ce que dit la confession de foi : « Tu es mon refuge, ma forteresse, ma sécurité » (v.2). D’autre part, le prêtre va décrire, sous diverses images, cette protection divine : les ailes protectrices qui évoquent la poule protégeant ses poussins et les chérubins de l’arche, dont les ailes de protection s’étendent sur le monde. Il est dit, par ailleurs, que « les anges te porteront sur leurs mains » (v. 12)[3]. Dans le monde moderne, nous sommes familiers avec la doctrine de l’ange gardien, à savoir que Dieu fournit à chacun d’entre nous un ange qui le guide et le protège. Pour le dire autrement, Dieu est notre « messager », car Il agit de manière personnelle avec chaque individu. Il nous aime chacun de manière unique. Il nous connaît par notre nom et nous guide.
Viennent ensuite l’image du bouclier et du Dieu cuirasse (v.4), image qui parle évidemment aux guerriers venus au Temple, mais aussi à nous quand nous avons besoin de nous armer contre l’adversité. Paul dit : « Revêtez-vous de l’armure de Dieu, afin de pouvoir tenir ferme contre les ruses du diable… Ayez à vos reins la vérité pour ceinture ; revêtez la cuirasse de la justice… Prenez par-dessus-tout le bouclier de la foi… Prenez aussi le casque du salut et l’épée de l’Esprit, qui est la parole de Dieu » (Ephésiens 6, 11-17).
En revanche, cette protection divine n’est pas magique. Tout d’abord, l’homme doit en faire la demande par la prière. Ensuite, il doit avoir foi que Dieu l’écoute. Enfin, il doit remercier le Seigneur de l’avoir exaucé. Sa protection n’est d’ailleurs pas une extraction hors du monde, mais la délivrance des détresses terrestres. Le croyant n’est pas immunisé contre les épreuves, mais il lui sera donné la force nécessaire pour les surmonter. En ce monde, il y aura toujours des problèmes et nous devons avoir confiance que Dieu est là pour nous aider à les résoudre.
Le psaume décrit les épreuves que l’être humain peut être amené à subir :
(v.3) Les pièges des ennemis : leurs paroles blessantes, leur médisance.
(v.5) La nuit et ses menaces : la flèche du guerrier et celle de la parole magique.
(v.6) La maladie, l’épidémie.
(v.10) Le malheur, la catastrophe.
(v.13) Le léopard, la vipère, le lionceau, le dragon : des animaux réels ou fantastiques, des créatures ou des démons.
L’homme pieux n’a qu’à regarder : il verra combien il est protégé et que seuls les impies – ou ses problèmes – tombent autour de lui, par milliers, par dizaines de milliers. Rien ne peut nous atteindre quand nous prenons pleinement refuge dans l’Être suprême. Le danger peut être là, mais aucun malheur ne nous arrivera. Tous les jours, nous prions : « Délivre-nous du mal ! » Même quand nous doutons de la présence de Dieu, la protection nous est donnée par Christ.
Aujourd’hui, il n’y a plus de Temple à Jérusalem, mais deux mosquées construites à la gloire d’Abraham – sur le dôme du rocher – et à celle de Muhammed. Nous ne pouvons même plus visiter l’endroit, réservé aux seuls musulmans. Qu’à cela ne tienne. Jésus, hier et aujourd’hui, s’est passé du Temple. Il a dit qu’un jour, Dieu sera adoré – ni au Temple de Jérusalem ni au mont Garizim, mais – « en esprit et en vérité ». Qu’est-ce que cela veut dire ? Que nous n’avons plus besoin d’un lieu de culte ? Non, le lieu de rassemblement est certes important. Mais nous devons comprendre que « Dieu est avec nous » ici et maintenant. Grâce à Jésus-Christ, nous jouissons de la proximité de Dieu dans notre vie. Pour que l’homme soit libre et ne se sente pas menacé, il faut qu’il sache que son Dieu n’est pas un Dieu menaçant, mais un Dieu pacifié, un Dieu qui vient parmi les hommes et souhaitent demeurer en nos cœurs.
L’apôtre Paul dit : « Ne savez-vous pas que vous êtes un temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? […] Le temple de Dieu est sacré et ce temple, c’est vous » (1 Corinthiens 3, 16-17). Par cette métaphore, Paul nous invite à devenir conscients que nous sommes, chacun d’entre nous, un temple vivant où Dieu habite. Dans nos cœurs, Dieu est là. Nous sommes des enfants divins, « visités », habités par la présence de l’Esprit. Dieu habite à l’intérieur de ses fils et ses filles pour les faire exister, pour qu’ils soient aussi transformés en créatures spirituelles. Jésus, avant de quitter notre monde, a dit à ses disciples : « Je vous donnerai un autre défenseur qui sera pour vous, c’est l’Esprit de vérité » (Jean 14, 16-17).
Or c’est dans le cœur profond que l’homme et la femme sont enseignés sur cette réalité de la vie de Dieu en eux, de cette possibilité pour eux de vivre dans l’Esprit de vérité. Il est donc essentiel de reprendre contact avec le cœur. Il est urgent d’habiter le cœur profond de façon consciente. On doit savoir que la fine pointe du cœur, le cœur du cœur, ce sanctuaire des sanctuaires, ce noyau de l’être dans notre plus grande profondeur, ce lieu paisible, stable et fort où est inscrite à tout jamais l’image de Dieu, n’est jamais touchée par l’intensité et la violence de l’émotion. Nul ne peut nous atteindre quand on sait cela. Dieu est là, au plus profond de nous, et personne ne pourra l’en déloger.
Nous ne craignons donc aucun mal. En toutes circonstances, même au cœur des calamités qui affectent notre monde, Dieu est là. Il est avec nous dans nos détresses. Il nous aime et nous protège. Il nous bénit et nous délivre de la peine, du chagrin, des ennuis…
Jean-Christophe PERRIN
[1] C’est dans ce même tiers des Psaumes que l’on trouve les prières juives classiques appelées hallels : Ps 114-118, ainsi que 136. Notons aussi que les six derniers psaumes forment un impressionnant crescendo de la louange aboutissant à un ultime et retentissant alléluia au psaume 150, conviant toutes les musiques et « tout ce qui respire » à louer Yahvé.
[2] Il s’agit du premier Temple construit par Salomon. Lors de la rédaction du psaume, il n’a pas encore été détruit.
[3] C’est le verset que cite Satan à Jésus dans le désert, pour l’inciter à sauter du haut de la montagne et obliger Dieu à se manifester pour protéger son Fils (voir Matthieu 4, 6).