Lecture : Actes 2: 1-18 ; Galates 5: 13-24
Le jour de la pentecôte
La Pentecôte était à l’origine une fête juive, celle des prémices des récoltes (Lévitique 23, 16). Par la suite, elle est devenue le jour du don de la Tora et de l’Alliance au mont Sinaï. En conséquence, ce jour rassemblait à Jérusalem une foule nombreuse venue de tout le monde romain. A l’époque de Jésus, trois grandes fêtes faisaient affluer les pèlerins au Temple de Jérusalem : Pâques, Soukkot (la fête des cabanes) et Pentecôte. Pour les chrétiens, cette fête revêt une signification encore plus particulière, car c’est à la Pentecôte que le Seigneur envoie l’Esprit sur un petit groupe d’individus qui deviennent ainsi les prémices de l’Eglise.
Symboles liés à l’Esprit dans le récite de Pentecôte
Feu et flammes : Le feu était couramment utilisé pour la purification et la destruction. Son utilisation dans les sacrifices et les holocaustes matérialisait l’offrande fait à Dieu dans le Temple. Le feu est aussi le symbole de la sainteté de Dieu. Dans le récit de la sortie d’Egypte, une colonne de feu précède le peuple et signale la présence de Dieu lui-même à la tête de son peuple (Exode 13, 21).
Souffle et vent : Le vent est un autre symbole important. Invisible, mais très réel, potentiellement destructeur tout en étant très utile (moulins, voiles des bateaux). Ce symbole est souvent utilisé dans la Bible. Le mot hébreu ruah qui signifie Esprit désigne aussi bien le vent que le souffle ou l’haleine de Dieu. Le premier homme, Adam, est ruah yhwh. Toutefois, la révélation juive se garde de confondre les éléments avec la divinité : si le vent signale la présence de Dieu, le vent n’est pas Dieu.
La colombe : Messagère utilisée par Noé pour s’assurer de la décrue des eaux après le déluge (Genèse 8, 8-9), la colombe est aussi le symbole de la paix. Lors du baptême de Jésus, la colombe désigne la présence de l’Esprit au Jourdain. La colombe restera dans l’iconographie chrétienne, dès les premiers siècles, le signe le plus utilisé pour signifier la présence de l’Esprit.
Que des langues de feu se posent sur chacun des disciples montre qu’ils ont part au même Esprit, mais chacun individuellement. L’Esprit descend sur les disciples présents, lesquels se mettent à parler en d’autres langues, en des langues humaines qu’ils ne connaissaient pas auparavant. Au contraire du bruit du vent et des langues de feu, ce phénomène des langues se répète dans les autres occasions où des disciples reçoivent l’Esprit.
Notons qu’ils ne sont pas en train de témoigner directement – Pierre le fera plus tard –, ils louent Dieu dans ces nouvelles langues qui sont un moyen nouveau et efficace d’exprimer leur adoration. Les pèlerins venus à Jérusalem ce jour-là sont d’ailleurs fort étonnés à les entendre, car ils reconnaissent leurs dialectes respectifs. Ils disent alors : « Ces gens ont bu trop de vin doux ! Ils sont saouls et ne savent plus ce qu’ils disent ! »
Mais loin d’avoir perdu l’esprit, les disciples du Christ ont été remplis du saint Esprit. On reconnaît qu’un croyant a reçu l’Esprit parce qu’il expérimente quelque chose de surnaturel : il peut parler dans des langues qu’il ne connaît pas, ou prophétiser, ou accomplir des miracles. Cette expérience spirituelle, nous pouvons la faire encore aujourd’hui. C’est en effet sur des disciples unis dans la prière que le saint Esprit est descendu. Or l’Esprit descend encore aujourd’hui sur les croyants qui l’attendent avec foi dans la prière. Si le Seigneur appelle toujours au salut des hommes et des femmes, nous sommes donc en droit de nous attendre à ce que la promesse du saint Esprit soit aussi pour nous.
Parler en langues inconnues ?
A Pentecôte, les apôtres se mettent à parler en de multiples langues, afin que tous les hommes puissent comprendre le message de Jésus-Christ. A Babel, Dieu divisa les langues, afin que les hommes ne se comprennent plus. On peut quand même se poser des questions. Pourquoi, à Babel, Dieu n’a-t-il pas voulu que les hommes réalisent ce qu’ils projetaient ? Et pourquoi Dieu a-t-il jugé mauvaise l’idée de construire une ville avec une grande tour qui montait jusqu’au ciel ? Après tout, nous avons construit nous-mêmes des tours qui font la fierté de notre pays, comme la tour Eiffel. A Dubaï, il y a un immeuble qui mesure un kilomètre de haut. À New York, il y avait les deux tours jumelles…
L’idée principale qu’il faut relever dans ces deux histoires, celle de Babel et de Pentecôte, c’est la communication. Dans un cas, plus personne ne se comprend, dans l’autre les gens comprennent ce qui est dit dans leur propre langue ; alors que l’entreprise humaine se heurte aux barrières des cultures, le message du Christ ressuscité est universel. Le langage de l’Esprit se comprend, même sans l’usage de mots articulés. L’inverse est vrai aussi : même quand on parle la même langue, parfois on ne se comprend pas.
A titre d’exemple, voici quelques notices rédigées en français vues à travers le monde :
Dans un hôtel à Bucarest : « L’ascenseur est fixé pour le jour suivant. Pendant ce temps, nous regrettons que vous ne soyez pas supportables ».
Au bureau d’une compagnie danoise : « Nous prenons vos bagages et nous les envoyons dans toutes les directions ».
Au zoo du Budapest : « Prière de ne pas nourrir les animaux. Si vous avez de la nourriture convenable, donnez-la au gardien ».
En France, les annonces à l’église sont parfois aussi suspectes :
Annonce pour la kermesse : « Chères dames, n’oubliez pas la prochaine vente de la paroisse ; c’est une bonne occasion pour vous débarrasser des choses inutiles que vous avez chez vous. Amenez vos maris ! »
« L’école du dimanche aura lieu le mercredi après-midi ».
« Jeudi il y aura catéchèse pour filles et garçons des deux sexes ».
« La chorale pour personnes âgées va cesser cette année, avec les remerciements de la paroisse ».
Un curé de campagne veut expliquer à ses paroissiens que l’hostie, durant ce que nous appelons la Cène, se reçoit sur la langue ou dans les mains : « Pour la communion, vous avez deux possibilités : à genoux sur la langue ou debout sur les mains »
Mais revenons à notre sujet, qui se déroule au jour de Pentecôte. Pourquoi Dieu a-t-il fait le chemin inverse qu’à Babel, en permettant à des gens qui parlaient des langues différentes de comprendre le même discours ? La Pentecôte est la date du fondement de l’Eglise, et l’Eglise est un lieu dans lequel nous avons la conviction que nous pouvons mieux communiquer les uns avec les autres, car nous nous considérons tous les enfants d’un même Père. C’est cette conviction qui constitue notre langage commun. Mais cette conviction commune donnée par l’Esprit saint laisse subsister des divisions entre les chrétiens, entre les différentes églises et aussi au sein de chacune de nos communautés.
Le christianisme est une religion qui se conjugue en plusieurs dénominations – catholiques, protestants, anglicans, orthodoxes –, ainsi qu’en plusieurs tendances : traditionnelle, libérale, évangélique. Le Pentecôtisme, la branche charismatique des chrétiens évangéliques, est né à partir du chapitre 2 des Actes des Apôtres. D’un point de vue pentecôtiste, si tout chrétien fait partie de l’Eglise, tous n’ont pas reçu le baptême du saint Esprit. C’est une expérience que chacun doit attendre et rechercher.
Le baptême dans le saint Esprit
Quelle différence existe-t-il entre le baptême d’eau et le baptême du saint Esprit ? Le baptême par l’eau se rapporte au rituel d’initiation à la vie chrétienne. Le baptême dans le saint Esprit, quant à lui, se caractérise par une rencontre directe avec le Christ vivant. C’est une expérience profonde et personnelle, qui bouleverse tout l’être. Le « signe » que l’on a reçu le baptême de l’Esprit se manifeste le plus souvent par le parler en langues. Néanmoins ce don des langues n’est pas un langage pour évangéliser, mais un langage de prière qui permet au chrétien d’adorer Dieu de façon audible ou dans le secret de son cœur. Paul le déclare : « Celui qui parle en langues parle à Dieu (donc il prie), celui qui parle en langues s’édifie lui-même ou loue Dieu » (1 Cor 14, 2-4). Le parler en langues n’est donc pas une langue compréhensible pour les étrangers. La preuve en est que la prédication de Pierre sera faite en araméen. Que disaient les disciples alors, lorsqu’ils parlaient en langues ? Ils parlaient « des merveilles de Dieu ». Ici, Actes 2 rejoint 1 Cor 14 : « C’est en Esprit qu’il dit des mystères ». Le parler en langues est le langage de la prière, une langue faite de louange et d’adoration. Par cela même, il permet au croyant de s’édifier lui-même.
La nouvelle vie en Christ
Rassurez-vous, chers catéchumènes, il ne vous est nullement demandé aujourd’hui de parler en des langues inconnues. Ce dont il est question, lors d’une confirmation, c’est la possibilité de renaître spirituellement et d’être appelé à une nouvelle façon de vivre. Paul nous dit qu’en confessant « Jésus est le Seigneur », nous avons déjà une révélation de l’Esprit. Nous ne sommes pas appelés à argumenter, débattre ou défendre telle ou telle doctrine ; nous sommes appelés à témoigner de la vérité. Cette vérité, c’est la découverte de qui nous sommes en Christ, c’est-à-dire que nous sommes libres de toute pensée mensongère ou équivoque quant à la manière dont nous devrions vivre. Cette façon de vivre n’est pas comme une obligation qui vient de l’extérieur, mais est plutôt à découvrir en méditant le message des évangiles et en fréquentant des frères et des sœurs en Christ.
Que vous attendriez-vous à remarquer si vous vous promeniez à travers une orangeraie, en période de récolte ? Le parfum frais de l’agrume, assurément : preuve de la présence manifeste du fruit. De même, que vous attendez-vous à remarquer chez les personnes nées de nouveau – de cette vie nouvelle qui vient d’en haut – et dotées d’une nouvelle identité en Christ ? Du fruit émanant de Dieu, naturellement et spontanément produit par Christ en eux. Le fruit de l’Esprit, c’est : « l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bienveillance, la fidélité, la douceur et la maîtrise de soi » (Galates 5, 22-23).
Le baptême symbolise la « deuxième naissance ». Nous sommes nés une première fois du ventre de notre mère et une seconde fois, nous naissons de l’Esprit. C’est en recevant le baptême de l’Esprit que nous pourrons être amenés à porter du fruit et à renoncer à un mode de vie insensé et aux convoitises de ce monde. L’un des aspects du fruit de l’esprit, c’est la joie. Nous devons faire l’expérience de la joie, ce qui implique d’avoir de Dieu une image positive. Si vous êtes en Christ, vous êtes une « nouvelle créature », vous êtes une personne complètement différente. Il n’est plus question de condamnation, de malheur, mais de joie, de rédemption. La rédemption génère la confiance en soi, l’amour, l’optimisme. En Christ, nous avons accès à une nouvelle façon de vivre. C’est par l’Esprit que nous pouvons nous rendre compte que Dieu est bon et que la vie est belle !
Jean-Christophe PERRIN